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"Pour nombre de chercheurs, capturer le CO2 industriel à la source, puis le stocker sous terre semblait idéal pour lutter contre le réchauffement. Or, après examen de la "solution miracle", le scepticisme domine. Pour quatre raisons majeures. Explications. (...)

DES MILLIONS DE DOLLARS DEJA INVESTIS... Trivial et opportuniste, le principe de "capture et stockage du CO2" (ou CSC) a l'immense mérite, aux yeux des industriels, de ne pas imposer une baisse de régime de leurs usines, tout en profitant des énormes réserves mondiales de charbon, source d'énergie très dispendieuse en CO2. Aussi, avec le CSC, serait-il possible d'avoir l'argent du développement économique et le beurre d'un climat stabilisé. Formidable promesse qui justifie l'enthousiasme officiel. (...)

(...) Du volontarisme politique, des moyens financiers, des success stories technologiques, des industriels motivés... De quoi sauver la planète des spectres du réchauffement? Hélas, ce bel enthousiasme de façade ne résiste pas à un examen de détail. C'est que les organismes internationaux et les chercheurs chargés non plus de promouvoir mais d'évaluer le CSC ne sont pas du tout convaincus. Chez eux, c'est même le scepticisme qui domine, que l'on peut résumer en une formule lapidaire : trop risqué, trop cher, trop peu... et, hélas, trop tard! Explications.

TROP RISQUE (...) les scientifiques n'ont pas de certitudes quant à la fiabilité des stockages. (...) En janvier 2008, la Commission européenne a présenté un projet de directive qui précise les critères de développement du stockage, depuis le dépôt du permis jusqu'à sa fermeture. Mais toujours rien sur "l'acceptabilité des centres de stockage", pour reprendre la formule du climatologue Jean Jouzel, vice-président du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC). Il dit : "Notre rapport spécial sur la séquestration du CO2 négligeait déjà cette problématique. Pourtant, il est primordial de savoir quelles vont être les réactions des personnes à qui l'on va annoncer que des milliers de mètres cubes de CO2 dormiront dans leur sous-sol".

TROP CHER (...) Suivant le type de centrale à charbon, le budget de construction se gonfle de 36% à 112% - ce dernier chiffre portant hélas sur les technologies les plus performantes... Ce qui se ferait directement ressentir sur le prix du kilowattheure : de 36% à 83% de plus! Ces chiffres rejoignent ceux de l'Agence internationale de l'Energie (AIE), publiés en Octobre 2008, qui s'est livrée également à une estimation des surcoûts liés à l'ajout de dispositifs de piégeage du CO2 aux centrales à gaz naturel. Résultat : + 57% de l'investissement de base pour les unités construites en 2010, +50% en 2030. Et avec un coût du kilowattheure quasi doublé! (...) Et l'addition s'alourdit encore si l'on ajoute au coût de la capture ceux du transport et de l'enfouissement. De combien? Le chiffre généralement avancé est d'environ 10% à 20% du coût du CSC. Mais il pourrait, en fait, être plus élevé que prévu. (...) les sites de stockage de CO2, tels que les nappes d'hydraucarbures exploitées en mer du Nord, sont éloignés des usines sidérurgiques de la Ruhr : "Le Moyen-Orient et la Russie offrent 60% du potentiel mondial de stockage à eux seuls, ce qui correspond à six fois leurs besoins, indique Michel Colombier, de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). "A l'opposé, l'Europe de l'Est, les Etats-Unis, l'Inde et la Chine, apparaissent extrêmement démunis, avec seulement 8,5% du potentiel de stockage mondial alors qu'ils pèsent pour 67% des émissions." Cette "délocalisation"massive du stockage implique en fait de lancer d'énormes flottes de navires gaziers, de construire de nouveaux gazoducs : "Les volumes ainsi transportés seraient alors cinq fois supérieurs aux échanges actuels de gaz naturel...", précise Michel Colombier. Qui paiera les investissements, mais aussi l'énergie du transport? Même l'enfouissement sur place n'est pas gratuit : en Europe Occidentale ou en Asie du Sud-Est, 80% du potentiel de stockage se situent sur les gisements offshore, où d'importants travaux de reconstruction de plates-formes ou de maintenance des équipements actuels seront nécessaires.

TROP PEU (...) Estimations (...) du BRGM : d'ici à 2050, "c'est de l'ordre de 6 ou 7% des émissions de CO2 que l'on pourra éviter par le stockage géologique, estime Jacques Varet, directeur de la prospective et de l'évaluation. (...)

TROP TARD (...) 'Pour espérer une stabilisation de l'effet de serre, il faut que les émissions descendent très rapidement à partir de 2020", précise Jean Jouzel. Or, 2020 correspond à peu près à la date d'entrée en service des premières centrales CSC de production, ce qui est bien trop tard, selon les experts de l'Onu. (...) Et la majorité des experts pense que la meilleure piste est celle des économies d'énergie. (...) Et pas besoin, souligne l'AIE, d'attendre d'hypothétiques procédés technologiques : il est d'ores et déjà possible d'agir en mettant en place de meilleures pratiques. En attendant, le rapporteur de la directive européenne sur le stockage géologique du CO2, l'eurodéputé Chries Davies, a évalué à 10 milliards d'euros en sept ans le soutien public nécessaire aux industriels pour développer le CSC. Plus du double de celui de l'efficacité énergétique. "

Science & Vie - Mars 2009 : "La Capture du CO2 ne sauvera pas le climat" (N°1098 - p 69) Par Vincent Gaullier

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