Par Sophie Chapelle (25 juin 2012) - BASTA - Cliquez ici pour lire l'article en ligne

« On ne créera pas d’emplois sur une planète morte »

La conférence sur le développement durable à Rio n’aura servi à rien. Les États ne sont pas allés au-delà des habituelles déclarations d’intention. C’est loin d’être anecdotique. Les échecs successifs des conférences internationales sur les grands enjeux écologiques, du dérèglement climatique à l’épuisement des ressources, marquent la fin d’un monde où les tensions pouvaient se résoudre collectivement et pacifiquement.

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Capitulation des États

« Il n’y a pas eu d’arbitrage politique, confirme Laurence Tubiana, de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Les Brésiliens, qui ont porté ce texte, ont réussi à donner des gages aux différents groupes et ont vraiment mené d’une main de maître cette opération diplomatique. » En proposant un texte « à prendre ou à laisser », qui supprimait tous les passages suscitant des oppositions, le Brésil savait que l’Union européenne ne le refuserait pas. Personne ne voulait prendre le risque de rouvrir les débats qui fâchent. Résultat : la déclaration finale énonce une succession de principes, « sans engagement prescriptif, encore moins contraignant, ni date de mise en œuvre », souligne l’association Attac. (...) aucun objectif collectif pour restreindre les subventions aux énergies fossiles ou davantage taxer les carburants – ce qui aurait mécontenté les Etats-Unis – n’a été fixé. Quant à une taxe sur les transactions financières qui pourrait permettre de financer la transition écologique, elle n’y figure tout simplement pas. Comme le relève Le Guardian, le verbe « devoir » n’apparaît que trois fois tandis que le verbe « encourager » est cité près de 50 fois. Une illustration du manque d’audace politique.

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Business partout, progrès sociaux nulle part

L’organisation mondiale de l’environnement, voulue par l’Union européenne, ne verra pas le jour. Seul le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), déjà existant, verra ses compétences « renforcées ». L’Union européenne défendait également le concept « d’économie verte » en lieu et place du développement durable. La Chine et les pays du Sud (G77) ne l’ont pas acceptée. Les associations et mouvements qui se mobilisaient contre une vision très néo-libérale de l’économie verte, la considérant comme une extension des logiques financières à la gestion de la nature, devraient donc se réjouir. Problème : la déclaration finale mentionne bien l’économie verte comme l’une des voies pour promouvoir le développement durable, précisant qu’elle constitue tout ce qui ne doit pas enrayer le commerce. En clair : le business continue de passer avant la protection de l’environnement.

La conférence de Rio+20 n’est en rien sortie des logiques qui rythment le monde actuel, et en aggravent les crises : le temps de la croissance et de l’immédiat pour la dimension économique, le moyen terme pour le progrès social et la redistribution des richesses, et le temps long pour l’environnement. « Ces trois dimensions-là sont traitées séparément dans la déclaration finale, pointe Anabella Rosemberg. Or, on ne créera pas d’emplois dans une planète morte. Et on ne sera pas capable de venir à bout de la pauvreté si on ne règle pas la question environnementale. »

La fin du multilatéralisme ?

Mais le véritable et inquiétant enseignement de cette conférence, c’est qu’elle signe sans doute la fin du multilatéralisme : la capacité des Etats de discuter et de répondre ensemble et pacifiquement aux problèmes du monde. Ce multilatéralisme qui avait émergé avec la fin de la Guerre froide, porté entre autres par une Europe qui, elle-même, n’arrive plus à faire passer l’intérêt général du continent avant les intérêts nationaux.« Ce qui frappe, c’est que personne, autour de la table, n’a envie de progression collective , observe Laurence Tubiana. Et cela reflète l’état du monde. » C’est désormais la course au plus petit dénominateur commun.

« Nous sommes arrivés à la fin de la volonté des États de se réguler internationalement », ajoute Anabella Rosemberg. « Il n’y a pas de solution pour le monde qui ne soit pas une solution multilatérale. Ce qui a poussé les États à aller vers le multilatéralisme et vers davantage de régulations mondiales, c’était la peur que le conflit revienne. Aujourd’hui, ce péril existe. Les réfugiés climatiques et les guerres pour les ressources naturelles sont une réalité.» Les échecs successifs des grandes conférences sur l’environnement, de Copenhague à Rio+20, marquent-elles le basculement vers le retour au chacun pour soi ?

Par Sophie Chapelle (25 juin 2012) - BASTA - Cliquez ici pour lire l'article en ligne

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